
« Il y a longtemps que je t’aime Jamais je ne t’oublierai »(1).
Ces paroles d’une chanson populaire bien connue sont tellement vraies pour la montagne et moi depuis l’âge de 4 ans (première ascension intégrale du Puy de Sancy) qu’il m’est toujours difficile d’accepter, l’âge avançant et de plus en plus épuisé au retour des sommets, que mon meilleur niveau physique et technique est un peu plus derrière moi.
Le rêve tenace de Guide s’éloigne, prisonnier d’une réalité…
En écrivant le post des « Chanteurs de Mexico », après le deuil, déjà, d’une ascension au Mont-Blanc (vécue par procuration grâce au succès de Frédéric Maurel et d'Eric Vidal les 2 et 3 août derniers), j’ajoute aujourd’hui avec réalisme mais sans tristesse le Pico de Orizaba à toutes ces montagnes, tous ces « Horizons gagnés »(2) par d’autres et dont mes pas ne pourront jamais fouler les sommets. Trop loin, trop difficiles, trop chronophages, trop séparateurs…pour moi et les miens.
« Au nom de tous les miens »(3), je commence en effet à mesurer le progressif, nécessaire et salutaire recul à prendre dans la fréquence des départs et le degré d’engagement vers des sommets plus ou moins hauts et lointains.
Difficile pour autant d’avoir les pieds sur terre lorsque l’on a la tête dans les étoiles, tel un enfant qui n’aurait pas grandi…
« Choisir, c'est renoncer » dit on souvent.
Renoncer à un sommet est un choix particulièrement difficile, surtout lorsque l’on est comme moi l’instigateur de l’ascension, du programme d’enchaînement…

Dans mes tentatives hivernales en solitaire ou en équipe à La Saume, j’ai souvent été confronté à ce choix difficile.
Plus récemment, c’était au pied du Pic Panestrel (3254 m), lors de l’expé « Forfour 08 » en octobre dernier, lorsque j’ai laissé partir Raphaël, Olivier et Baptiste avec pour seul « lot de consolation » la modeste Pointe d’Escreins (3038m).
Une cheville mal soignée de longue date est un « handicap » aux allures de fardeau à porter en silence, résigné, pour « l’homme qui marche »(4) pendant de longues heures dans des pierriers hostiles. Mais plus dure encore est la descente, lourdement chargé avec en prime le deuil à faire d’une montagne inachevée…
Dans la vie comme en montagne, nombreuses sont les circonstances, conditions et raisons qui nous imposent à faire régulièrement des choix pour être reconnu par ceux et celles qui comptent le plus.
Etre reconnu par les siens, pour vivre, tout simplement.
Des choix que nul ne peut juger ni même condamner puisqu’ils sont toujours dictés par « Les destinées sentimentales »(5)…
« Je regarde vers le ciel
Les mains tendues vers toi
Mon Dieu si elle t’appelle
Parle-lui de moi »(6)
(1) « A la Claire Fontaine »
(2) « Les horizons gagnés » - un film de Gaston Rébuffat - 1961
(3) « Au nom de tous les miens » - un livre de Martin Gray - 1971
(4) « L’homme qui marche » - une sculpture d’Alberto Giacometti - 1960
(5) « Les destinées sentimentales » - un film d’Olivier Assayas - 2000
(6) « Parle lui de moi » - Aimer ce que nous sommes – Christophe - 2008